LE NOVICIAT CHEZ LES PÉNITENTS ROUGES DE NICE



Une confrérie de pénitents est une association régie par des statuts établis par la loi de 1901. Pour autant, son ancienneté, sa longue tradition, sa vocation à la fois spirituelle et sociale, son caractère à la fois religieux et laïc en font une structure particulière. Ceux qui postulent à rejoindre une confrérie doivent être accueillis en ayant connaissance du contenu de leur engagement, pour que leur choix soit bien éclairé, et cette connaissance doit être acquise avant de formuler une volonté définitive.

En d’autres termes, malgré la forme légale commune, on n’adhère pas à une confrérie de pénitents comme à une association de philatélistes. La découverte et la prise en compte du patrimoine, de l’histoire, de la tradition, de l’engagement constituent une base à l’action du nouveau pénitent, le renseignent sur l’esprit de l’association et font de lui un maillon d’une longue chaîne forgée durant plusieurs siècles. C’est dans cet esprit que les Pénitents Rouges de Nice ont remis en place, en 2000, un système de noviciat.
Cette initiative ne sortit pas du néant, les statuts anciens de la confrérie en témoignent. Les plus complets qui nous soient parvenus, ceux de 1827, disposent très clairement que les postulants sont placés sous l’autorité d’un maître des novices, chargé de leur enseignement. Nous ne pouvons cependant pas en dire beaucoup plus : la forme et le contenu de cet enseignement nous sont inconnus. Au gré de l’évolution des statuts, pendant le XIXe et le XXe siècle, cette disposition disparut et le recrutement de la confrérie semble s’être fait uniquement, jusqu’à la fin du XXe siècle, sur la base des procédures associatives communes, présentation par des parrains et acceptation par le conseil d’administration. Ce système –ou plutôt son absence- avait des avantages –le recrutement était très ouvert- et des inconvénients –le postulant pouvait perdre de vue le sens de son engagement. La tradition d’un recrutement familial y suppléait sans doute (le postulant savait quelque chose de la confrérie parce que son père en était lui-même membre), au moins en partie, de même que la sociabilité qui régnait à Nice, et singulièrement dans le Vieux-Nice et les quartiers immédiatement proches. Mais ce pragmatisme atteignait bientôt ses limites, du fait d’une ville de plus en plus largement cosmopolite et de traditions familiales qui allaient s’émoussant. La nécessité d’une formation finit par s’imposer.
Au terme d’un long processus de réflexion et d’élaboration, un nouveau noviciat fut donc établi.
Un cycle de rencontres régulières
Pour embrasser toutes les dimensions de ce que représente l’adhésion à une confrérie de pénitents, on retint la nécessité d’un cycle complet de douze rencontres ou « leçons », au rythme mensuel réparti sur dix mois, et précédant d’un an l’adhésion définitive à la confrérie qui se fait sous la forme d’un rituel d’agrégation inséré dans une des Fête majeure de notre confrérie (Fête de la Très Sainte Trinité,(en mai/juin) ou Fête de la Mater Expectationis (18 décembre) de chaque année (ou le dimanche le plus proche). Ce cycle fut divisé en quatre temps, et chaque temps en trois leçons, soit : le temps de l’Histoire, avec la leçon sur l’histoire de la pénitentialité catholique, la leçon sur l’histoire des confréries du comté de Nice et la leçon sur l’histoire des Pénitents Rouges de Nice ; le temps de l’Ordre, avec la leçon sur les statuts, la leçon sur le fonctionnement et la leçon sur les rapports avec le monde ; le temps de la Spiritualité avec la leçon sur les symboles, la leçon sur la chapelle et la leçon sur les cérémonies ; le temps de l’Action avec la leçon sur l’action sociale, la leçon sur l’action culturelle et, dernière leçon, la préparation à l’agrégation.
Ces « leçons » sont en fait des rencontres informelles d’une durée d’1 h 30 environ, tenues au siège de l’association, sous la direction du maître des novices désigné par le conseil d’administration. Au terme d’un exposé sur le thème de la leçon présenté par le maître des novices, un débat est ouvert, propice à la réflexion et à l’échange des questions et des expériences. Un jour fixe est choisi, de septembre à septembre, chaque mois (par exemple le 2e mardi), en fin de journée pour pouvoir accueillir les postulants en activité. Il n’y a pas de leçons en juillet-août, les deux dernières leçons sont données les deux premiers mardi qui précède l’une des fête d’agrégation..
Une organisation structurée
Très vite, il est apparu que cette mécanique portait ses fruits à condition d’en structurer fermement l’organisation. Ainsi, le postulant se voit expliquer, lors de la première leçon, le parcours qu’il va suivre:
dépôt d’une lettre de motivation auprès de la confrérie et préinscription, notamment pour disposer des coordonnées utiles (téléphone, mail, etc.). Cette préinscription ne vaut pas adhésion, le postulant est considéré comme un simple auditeur d’un cycle de conférences ; il est cependant informé des activités religieuses et sociales de la confrérie au même titre que les frères et sœurs.
– la présence aux leçons n’est pas obligatoire, même si elle est vivement conseillée, le maître des novices devant se mettre à disposition des postulants pour « rattraper » les leçons éventuellement manquées ; en contrepartie, l’assistance aux leçons ne constitue pas pour le postulant un engagement d’adhésion : le postulant est informé qu’il est libre de quitter à tout moment le cycle et de renoncer à son intention d’adhérer. Par ailleurs, en tout état de cause, quelque soit l’assiduité du postulant, l’assistance aux leçons ne lui confère pas un droit à l’adhésion, dont le conseil d’administration reste in fine le seul maître.
entre la 6e et la 7e leçon, le postulant rencontre le prieur pour faire un bilan de la première moitié de son noviciat. Cette rencontre se fait en deux temps : d’abord en entretien individuel avec le prieur, auquel le maître des novices est ensuite invité à se joindre. Lors de cet entretien, le postulant est amené à confirmer, ou non, son intention d’adhérer. S’il la confirme, il lui est recommandé de parfaire son parcours en sollicitant un rendez-vous auprès de l’aumônier et en choisissant ses parrains/marraines.
lors de la 12e et dernière leçon, le postulant est invité à remplir sa demande d’adhésion, qui est effective à l’issue de la messe d’agrégation. A noter cependant que, pendant l’année suivant l’agrégation, les nouveaux pénitents assistent, dans notre chapelle, aux réunions sans pouvoir y jouer un rôle particulier, ni être investi de responsabilité particulière.- un registre des agrégations (ou tableau) a été ouvert, qui conserve la trace de l’ensemble de ce processus et la mémoire des nouveaux membres de la confrérie.
Au terme de dix années d’expérience, concernant une trentaine de frères et sœurs, la confrérie dresse un bilan satisfaisant de ce système. Les postulants bénéficient d’une information complète sur ce que constitue leur engagement futur, ses peines et son sens, propre à renforcer leur décision d’adhésion, à éviter les surprises et les défections postérieures à l’adhésion ; cette information est uniforme, de sorte que tous les nouveaux membres de l’association ont une vision commune du passé, de l’esprit et de l’action de la confrérie, renforçant la cohésion de l’association ; la dimension scientifique de la partie historique et juridique du noviciat offre de solides bases de discussion pour mieux faire connaître la confrérie à l’extérieur et assurer plus efficacement son recrutement. Ainsi, avec l’aide de Dieu et selon Sa volonté, comme ils le font depuis plus de 4 siècles, les Pénitents Rouges de Nice espèrent agir encore longtemps au service des plus démunis.

EXTRAITS DE NOS STATUTS de 1827
De « l’admission des nouveaux Frères « 
Art 8 – Pour que quelqu’un puisse être admis comme Frère ou Sœur, il faut qu’il ait déjà fait sa première communion, qu’il soit d’une vie louable, qu’il jouisse d’une bonne réputation, qu’il n’exerce pas une profession infâme ; en plus il ne doit appartenir à aucune autre Confrérie fondée en cette ville portant habit ou sac. (…).
Art 9 – Quiconque désire entrer dans notre Confrérie devra s’adresser aux Maîtres des Novices, pour être proposé au Conseil Particulier qui décidera s’il doit être accepté. (…)
Art 10 – Le Noviciat des nouveaux Frères associés sera d’une année, pendant laquelle ils ne pourront exercer aucune charge (…)
Art 11 – La cérémonie de prise d’habit des Frères admis se fera si possible en présence du Recteur, du Prieur, ou du Sous-Prieur, et en leur absence devant quelque officier supérieur en plus de la présence des Maîtres des Novices. Après, la cérémonie, le Recteur ou un autre fera aux nouveaux admis une exhortation émouvante, pour les inciter à l’accomplissement des œuvres de piété et pour qu’ils s’appliquent par tous les moyens à observer les règles et les fins proposées par notre bienheureux fondateur.
Art 12 – Les Frères admis dans une Confrérie portant notre titre, mais érigée dans une autre ville, pourvu qu’ils observent d’une façon certaine nos règles, pourront être admis dans la nôtre sans une nouvelle cérémonie.
De la « Façon de s’habiller des Confrères »
Art 14 – L’habit de pénitence de nos confrères doit être dans la mesure du possible, égal à celui de Rome ; celui-ci sera de couleur rouge avec les boutons et les cordons de la même couleur. Donc chaque Frère, lorsqu’il se le procurera devra consulter les Maîtres des Novices. L’insigne ensuite représentera la Très Sainte TRINITE.
Art 15 – Chaque Frère, après avoir été admis prendra soin d’acheter son habit tel qu’indiqué ci-avant avec tous ses accessoires pour pouvoir être vêtu le jour de sa réception.
Art 16 – Dans toutes les circonstances où les Frères seront tenus de revêtir leur sac, en plus de ce qu’implique l’observance de la règle commune au sujet de leur dévotion, ils devront avoir la barbe coupée et les chaussettes aux pieds, pour tout dire ils devront être en état décent selon leurs moyens. Les Supérieurs et les Maîtres des Novices devront veiller à l’application de tout ce qui a été dit en ce chapitre.